Isaac Abramovici
né le 9 novembre 1914

 

ISAAC à SYLVIA - Paris - poste restante Bucarest - Juin 1939 (traduit du roumain)

« Tu me manques. Quand je suis rentré dans la chambre… Tu m’arrêtes si je suis ridicule… J’ai étudié mon violon, j’ai été au quartier… Je n’arrive pas à m’habituer à vivre sans toi… »

ISAAC ABRAMOVICI (« Izu »). Il est né le 9 novembre 1914 à Pitesti (Roumanie). Fils de Salomon et Golditza Grun, de nationalité roumaine. Il vient à Paris, en 1938, pour y faire des études de médecine. Engagé volontaire dans l’armée française en 1939, gradé caporal en 1940. Il est démobilisé en zone libre dans le sud de la France.

Espérant reprendre ses études après la guerre, il accepte d’être violoniste au Casino municipal de Cannes et ailleurs (restaurants, boîtes de nuit, églises, concerts…).

Isaac et Sylvia Abramovici

Arrêté par la Gestapo le 19 avril 1944 à sa résidence de Beausoleil, il est tout d’abord envoyé à l’Hôtel Excelsior, à Nice, haut lieu de la Gestapo d’Aloïs Brunner, puis « trié » à Drancy et prend sa place dans le convoi n° 73, destination : Auschwitz.

Ce convoi n’ira pas à Auschwitz. Il traversera l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, l’Estonie.

Isaac disparaîtra quelque part dans ce “voyage”.

SYLVIA WISNER (« Sissi »). Née le 17 juin 1918 à Bucarest (Roumanie). Fille de Maurice Wisner et d’Anna Schulder. Enfant, elle entre au Conservatoire de Musique à Bucarest, comme pianiste. Elle vient faire ses études de médecine à Paris en 1936. Elle prépare le P.C.B. Pendant l’été 1939, elle passe ses vacances à Bucarest. À la déclaration de la guerre, elle revient précipitamment avant que les frontières ne ferment. Elle épouse Isaac à la mairie de Champagné (Sarthe) le 27 septembre 1939. Elle rejoint son mari en zone libre, à Nice, en passant par Vierzon. Elle accouche d’une petite fille en 1942, Claude.

Elle est témoin de l’arrestation d’Isaac, et elle accouche dix jours plus tard de deux jumelles, Mireille et Anne-Marie, puis se cache à Agen. Après la guerre, elle s’installe à Paris. Elle n’a jamais terminé ses études. Elle est devenue pianiste de musique cubaine. Elle ne s’est jamais remariée. À cause du rideau de fer, elle n’est retournée voir ses parents en Roumanie qu’une seule fois.

Elle vit aujourd’hui à Paris, dans un studio, et elle reçoit une pension de réparations des Allemands.

MIREILLE - Née le 29 avril 1944, à Nice, France. Elle est la fille d’Isaac Abramovici et de Sylvia Wisner. Elle vit à Paris. Elle se dit libre, internationaliste, sans patrie. Si elle est juive de naissance, elle ne s’en préoccupe pas. C’est uniquement les autres qui le lui disent. Elle est indifférente à tout ce qui concerne ce sujet : c’est du passé ! Son histoire est à côté d’elle, en attente.

Les années passent. Elle rencontre son compagnon, et ils ont une fille. C’est en écrivant un projet de film de fiction qu’elle apprend, grâce à la déposition des rescapés du convoi 73, la vraie fin de son père, enfin plutôt l’itinéraire de son dernier voyage.

Maintenant, son père lui manque. Elle voudrait faire sa connaissance, elle voudrait que leurs regards se croisent. Elle pense qu’en refaisant le trajet que son père a fait depuis le Sud de la France où il a été arrêté, en passant par Drancy, la Lituanie, l’Estonie, elle pourra assouvir son désir d’une part, et elle sera en mesure de redonner une dignité à son père humilié.

Elle imagine qu’il a peut-être été fusillé dans un champ de tourbe, quelque part dans les forêts des Pays Baltes, et elle voudrait bien ramener de cette terre-là.

Elle est jalouse de tous ceux qui peuvent revendiquer un lieu de repos, de tous ceux et celles qui peuvent se recueillir physiquement sur un lieu choisi. La terre où son père est devenu poussière, cette terre putride, difficile à travailler, qui ne vaut presque rien, ce serait la seule preuve de son origine ? Cette terre sera donc la sienne.

Elle va faire ce voyage et se rapprocher ainsi de ce père qu’elle ne connaît pas.

Mireille Abramovici

 

Le jour de son arrestation, tandis qu'à l'Hôtel Exclsior il attendait son transfert pour Drancy,
Isaac Abramovici a pu faire parvenir ces quelques lignes à son épouse

 

Passeport de Sylvia Abramovici

 

Sylvia (« Sissi ») âgée d'un an, dans les bras de son père, Maurice Wisner. Sa sœur Bertine, onze ans, près de sa mère, Anna Shulder. - Bucarest (1919)

 

 

Sissi au piano, vers l'âge de cinq ans. Dans la maison de Bucarest

 

Isaac vers 1915

 

Isaac, vers 5 ans, avec sa sœur Stephie

 

Isaac vers 6 ou 7 ans - Au Conservatoire de Musique

 

Isaac Abramovici - Acte de disparition

 

P.C.B. : Physique-Chimie-Biologie : à l’époque, examen sanctionnant la première année des études de médecine. (NDLR)