Isidore René Ostfeld

né le 4 février 1907

 

Isidore Ostfeld est né le 4 février 1907 à Galati (Roumanie). Il est le cinquième et le plus jeune fils de Moritz et Sarah Ostfeld, l’aîné étant mon père, Bernard.

Mon grand-père était agent de change à Galati, et il avait réussi à faire faire des études supérieures à tous ses fils, à l’étranger pour la plupart. Isidore fait des études d’ingénieur à l’Institut d’Electrotechnique de Toulouse, d’où il sort diplômé en électricité en juillet 1931, et en mécanique en 1932. Ses parents ne pouvant supporter financièrement cette charge, c’est mon père, de quinze ans son aîné, qui l’a fait.

Ayant décidé de devenir français, il est naturalisé en septembre 1932, et s’installe à Toulouse, comme d’ailleurs mon autre oncle, Louis, qui s’est, lui, installé à Pau. L’antisémitisme virulent régnant en Roumanie à cette époque n’incitait pas au retour…

En novembre 1939, il est mobilisé d’abord dans l’infanterie, puis dans le génie. Après avoir suivi les cours de l’école d’application du Génie à Versailles, il est envoyé au front en mai 1940. Il est démobilisé en juillet 1940 et rentre à Toulouse.

Début 1941, il ouvre un établissement de fabrication et de réparation d’appareils radiophoniques qu’il nomme “Vox Dei”. L’établissement se développe rapidement puisqu’en juin 1942 il emploie quatre à cinq ouvriers à temps plein, et trois apprentis.

En juillet 1942, son établissement est “aryanisé” et un administrateur provisoire est nommé. Ce dernier vend le fonds à un couple de commerçants en janvier 1943.

Son frère Louis (engagé volontaire en tant qu’étranger, puis évadé, plus tard sous-officier des Forces Françaises Libres à Alger) le supplie de passer en Espagne avec lui. Isidore refuse : “Je suis français et je crois en ma bonne étoile…”. Il reste à Toulouse, sous un autre nom.

Le 9 mai 1944, il est arrêté comme Juif et transféré à Drancy le 14. Il réussit à jeter dans la rue deux feuillets de son agenda, où il demande au passant qui les trouverait de les transmettre à sa logeuse, pour qu’elle prévienne famille et amis. Le 15 mai 1944, il est déporté par le convoi n° 73. Il ne reviendra pas.

En 1945, mon oncle Louis réussit à faire expulser, par une ordonnance du Tribunal civil de Toulouse, le couple de commerçants qui avaient acheté son fonds de commerce.

Les quatre frères décident de cacher à leur mère, restée veuve depuis une dizaine d’années à Galati, la disparition de son fils le plus jeune, que ses frères plus âgés appelaient “le petit”. Comme elle s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles de sa part, ils en inventent, écrivent des cartes postales à sa place, trouvent des prétextes pour éviter de longues lettres. Aucun ne se sent le courage ni ne trouve la façon de lui faire une peine pareille. Le pieux mensonge dure plusieurs années. Un jour, mon troisième oncle, Jacques, écrit à son frère Louis, à Pau. Dans sa lettre, il fait une allusion à la disparition d’Isidore. Sans réfléchir, il donne la lettre à sa mère, pour qu’elle ajoute un mot. Elle relit machinalement la lettre et comprend toute la vérité. Elle décédera en 1952.

Né en 1948, je n’ai connu mon oncle que par les récits de son frère Simon (mon quatrième oncle). Je ne sais rien de plus sur lui, mes parents n’abordant que rarement ce sujet devant moi. Ce n’est que bien après le décès de mes parents et de mes oncles, que j’ai cherché à en savoir plus, en consultant le Mémorial des Juifs de France, de S. Klarsfeld.

En 1994, j’ai obtenu pour Isidore un jugement déclaratif de décès du Tribunal de grande instance de Toulouse, tenant lieu d’acte de décès (à la date du 20 mai 1944). La même année, la mention “Mort en déportation” a été apposée sur son acte de décès. Enfin, en 1997, après trois ans de démarches, j’ai obtenu que la mention “Mort pour la France” figure également sur ses actes d’état civil.

Sans l’avoir connu, il me manque toujours.

Georges Ostfeld,
son neveu

 

Isidore Ostfeld

 

Les feuillets de l'agenda

 

Jugement déclaratif de décès